Petiot-Groffier, l’homme d’affaires, le politique, le photographe

Découverte du plus ancien labo photo au monde

Une photographie prise par Petiot-Groffier en 1853 : l’hôpital de Chalon avec sa nef d’origine aujourd’hui détruite (coll. Société d’Histoire de Chalon)

La récente découverte du labo photo resté intact de Fortuné-Joseph Petiot-Groffier jette un jour nouveau sur un personnage hors du commun, à qui le Chalonnais a dû beaucoup en son temps.

Il était là, dormant dans le silence des décennies, resté parfaitement intact quand tout était bouleversé autour de lui : la découverte récemment révélée du laboratoire photographique de Fortuné-Joseph Petiot-Groffier, dans une maison de la proche périphérie chalonnaise, remet en lumière une vie d’exception qui, commencée en 1788, s’était achevée en 1855.

C’est dans la précipitation des événements révolutionnaires que François-Joseph Petiot avait entamé son existence. Ou plus exactement quelques mois auparavant, le 16 septembre 1788. L’enfant, qui eut deux sœurs et un frère, n’avait pu manquer d’être baigné dans les affaires publiques dès son plus jeune âge car son père, Jean-Baptiste-Joseph, avait été élu en 1789 député du Tiers-Etat aux États généraux et avait épousé une bonne part des événements révolutionnaires avant de devenir, sous Napoléon, juge puis président du tribunal civil de Chalon, enfin conseiller municipal sous la Restauration.
C’est sous cette même Restauration que le jeune avocat Fortuné-Joseph Petiot, époux depuis 1813 d’Olympe Groffier, commença à faire parler de lui, en compagnie d’un groupe de jeunes libéraux qui donnèrent du fil à retordre aux Bourbons de retour sur le trône de France. On comptait notamment parmi eux Moyne, beau-frère de Petiot, ou encore Emiland Menand. La Restauration tombée en 1830, Fortuné-Joseph Petiot-Groffier devait prendre toute sa part au nouveau régime. Il fut ainsi maire de Chalon-sur-Saône de 1832 à 1835 et siégea, au cœur des assemblées parlementaires de Louis-Philippe, sur les bancs du « Juste milieu ».

A cette vie politique s’ajouta un goût particulièrement développé pour les affaires économiques. Dans ce Chalonnais du tout début de l’ère industrielle, on lui doit la mise sur pied de nombreuses entreprises. Outre la constitution en 1823 du moulin à vapeur de Saint-Cosme, l’une des plus fameuses fut la sucrerie des Alouettes, à Châtenoy-le-Royal, société dont il fut le co-fondateur en 1836 et qui se spécialisa pendant de longues années dans la fabrication de sucre indigène à partir de la betterave.
Avant cela, c’est également à Petiot-Groffier que l’on peut être reconnaissant de l’acclimatation en Bourgogne de la méthode de champagnisation des vins. La maison Petiot, propriétaire d’importants domaines viticoles à Rully et à Mercurey, voulut tenter de transformer ses vins blancs en mousseux. En 1822, elle prospecta en Champagne pour obtenir la venue en Bourgogne d’ouvriers spécialisés. L’un d’entre eux, François-Bazile Hubert, tint le pari et fit le chemin jusqu’en Chalonnais. Les premiers essais, à Rully, se soldèrent par un rapide succès : le bourgogne mousseux était né.

Entre toutes ses occupations, Fortuné-Joseph Petiot-Groffier nourrissait un précieux passe-temps : la photographie. Avait-il connu Nicéphore Niépce ? La chose est tout à fait possible car Niépce étant décédé en 1833, Petiot-Groffier et lui furent pour partie des contemporains. Est-ce en vertu de ce possible lien que mûrît chez l’industriel la volonté de fixer les images ? On ne le sait. Ce qu’on tient pour assuré en revanche, c’est que Petiot-Groffier était bien connu à Chalon pour son art de prendre des photographies. C’est ainsi qu’en 1853, ayant appris qu’on avait décidé de démolir la grande nef de l’hôpital de Chalon, la toute jeune Société d’Histoire et d’Archéologie demanda à Petiot-Groffier de faire des « points de vue généraux » de l’édifice (dont un exemplaire est reproduit ci-contre) afin que « ce monument si cher aux Chalonnais depuis des siècles puisse être connu et apprécié de nos descendants ». Le mot de photographie n’apparaît pas encore. On lui préfère alors celui de « point de vue général ». Mais, pour notre bonheur aujourd’hui, c’est bien d’une photographie de Chalon en 1853 qu’il s’agit, digne et émouvant héritage légué par Petiot-Groffier à la postérité.

Gilles Platret