Nicéphore Niépce, Daguerre et le physautotype
Au cours de son voyage vers l’Angleterre, Niépce avait fait la rencontre, à Paris, de Louis Jacques Mandé Daguerre, peintre et décorateur de théâtre qui passait pour un spécialiste de la chambre obscure. Espérant raccourcir le temps de pose de son procédé, Niépce décide, en 1829, d’associer Daguerre à ses travaux pour qu’il lui construise une chambre obscure donnant des images plus lumineuses.
Cette association n’apporte pas de progrès notables au procédé au bitume, en revanche, les deux associés mettent au point de nouveaux procédés photographiques avec pour produits photosensibles, des résines d’arbres et le résidu de la distillation de l’essence de lavande. Le temps de pose est alors abaissé à environ 8 heures de soleil.
Principe et technique du physautotype
Le produit photosensible de ce procédé mis au point par Niépce et Daguerre en 1832, est le résidu de la distillation de l’essence de lavande.
1 – Niépce et Daguerre obtenaient ce résidu en faisant évaporer de l’essence de lavande par chauffage jusqu’à obtenir un produit sec. En effet, sous l’action de la chaleur, l’essence de lavande, prend une teinte jaune qui s’intensifie au fur et à mesure que les produits volatils sont éliminés.
2 – Vers la fin de la distillation, il reste un goudron brun foncé qui desséché par la chaleur devient dur et cassant.
3 – Niépce et Daguerre dissolvaient ensuite une petite quantité de ce goudron dans de l’alcool, puis versaient la solution sur une plaque d’argent bien poli.
4 – Après évaporation de l’alcool, il restait un dépôt blanc uniforme sur la plaque. La plaque ainsi préparée était exposée à la lumière au fond de la chambre obscure (environ 7 à 8 heures).
5 – Après exposition, la plaque était retournée au dessus d’une cuvette contenant de l’huile de pétrole blanche (analogue au pétrole pour lampe). La seule action des vapeurs de cette essence révélait l’image sans autre traitement ultérieur.
Ce procédé donne des images directement positives puisque le dépôt blanc demeure sur la plaque, aux endroits qui ont reçu de la lumière, tandis que les vapeurs de pétrole rendent transparentes les zones qui n’ont pas été illuminées. Toutefois, par le jeu des reflets du métal qui apparaît aux endroits où le dépôt blanc est devenu transparent, les images se voient en positif ou en négatif.
La première reconstitution de « La table servie » dans la maison de Niépce
Chaque année, les Journées du Patrimoine sont l’occasion pour la maison Niépce de présenter les nouveautés qui seront ensuite exposées en permanence.
La table servie de Nicéphore Niépce
Depuis les travaux publiés par J.L. Marignier en 1999, on sait que l’image de la Table Servie longtemps restée mystérieuse quant à l’identité de son auteur, fut bien réalisée par Nicéphore Niépce et que ce fut même l’une de ses dernières œuvres. Les témoignages de l’époque retrouvés par le chercheur montrent que cette image était un physautotype.
Après cette identification, J.L. Marignier et M. Lourseau ont entrepris en 2004 de retrouver des objets similaires à ceux de l’image de Niépce et de reconstituer la Table Servie.
Une fois numérisée l’image de Nicéphore a été utilisée pour déterminer les dimensions des différents objets ainsi que de la table elle-même. Couteau, cuillère, verre, bol, écuelle, bouteille, vase, cafetière correspondants aux dimensions déterminées et dont la forme et la teinte se rapprochent de ceux de l’image ont été collectés chez divers antiquaires et autres brocanteurs. Lorsque les objets ont été disposés sur la table, l’image est apparue en trois dimensions.
Fort de leur maîtrise du procédé du physautotype qu’ils ont redécouvert en 1992 et qu’ils sont les premiers à avoir reconstitué, J.L. Marignier et M. Lourseau ont décidé de photographier cette table par ce procédé inventé par Niépce et Daguerre, dans la Maison du Gras, pendant l’été 1832.
Fin Août 2004, la table reconstituée a été installée dans le jardin de Niépce devant une chambre obscure au fond de laquelle était placée une plaque d’argent recouverte de la couche blanche de résidu de distillation de l’essence de lavande. Quatre heures plus tard, la même plaque, léchée par les vapeurs de pétrole lampant, laissait apparaître une image très semblable à celle de Niépce.
La Table Servie reconstituée et le physautotype obtenu sont exposés en permanence au premier étage de la maison.
L’enquête menée par J.L. Marignier peut être suivie dans les deux ouvrages : Niépce, l’invention de la photographie et Niépce, Correspondance et papiers ainsi que dans les articles parus dans Le Photographe et dans Réponses Photo en 2004.